lundi 5 octobre 2009

Chapitre 7 : Hammerstein, Stalag II B – 14 sept., 12 oct. 1940


Hammerstein situé à la frontière polonaise pas loin de Dantzig (Gdansk maintenant), était un camp activement organisé pour recevoir et enregistrer les milliers de prisonniers, soldats polonais, français, belges, rassemblés pour aider aux travaux dans les fermes. Ils sont distribués dans les grands domaines pour y remplacer les hommes mobilisés et, en général, ils n’y sont pas trop malheureux, contrairement à ceux qui iront dans les usines ou la vie est terrible.
Au moment de notre arrivée, ils étaient occupés à la récolte des pommes de terre, qui avait mûri pendant que les paysans poméraniens semaient des obus aux quatre coins de l’Europe. En tant qu’officiers et selon la convention de Genève nous n’étions pas astreints au travail ; aussi ce premier mois de camp ne me parut pas trop pénible mais terriblement ennuyeux. Nous n’étions pas rudoyés et nous n’étions pas encore méfiants ; d’ailleurs, disait le commandant à l’air assez débonnaire, nous allions être libérés. En effet, très rapidement les élèves des deux années de l’école militaire qui n’avait pas encore l’étoile dorée de sous-lieutenant sont embarqués pour la Belgique. D’autres trains de belges arrivent cependant : un groupe de cavalerie motorisée fait prisonnier à Paray-le-Monial tandis qu’il remontait vers la Belgique, l’école d’aviation venant de Oujda (Maroc), elle aussi en route pour le Pays. Des militaires étaient raflés on ne sait pourquoi, alors que d’autres ne l’étaient pas, prirent un emploi civil, continuèrent à leurs études et/ou firent de la résistance. Les allemands, aussi surpris que nous par leur victoire rapide, se trouvaient en pleine désorganisation.
On nous installe donc – provisoirement - dans de grands baraquements disposés le long d’allées rectilignes ; il y a des châlits superposés à trois étages avec des housses remplies de son ou de sciure de bois et une couverture pour chacun ; pas de chauffage et, comme les nuit commençait à se faire froide, j’étais bien heureux d’avoir traîné avec moi une couverture beige à grecques brunes depuis mon départ de Bruxelles ; il y avait des « commodités » pas loin des baraques qui nous étaient réservées car nous étions séparés des soldats par des barbelés assez symboliques ; au bout du camp, les cuisines et les douches. Le matin, des soldats amènent des bidons devant chaque baraque pour nous distribuer un quart de malt ; à midi, distribution de soupe assez épaisse avec du lard, des pommes de terre, du chou ou des pois ; le soir, dans des caisses munies de brancards, on nous amène la rations de pain –un pain pour quatre si ma mémoire est bonne - , margarine, saucisson ou fromage ; le régime n’est pas copieux mais je ne me souviens pas d’avoir eu faim. Le courrier est autorisé sur des cartes qui nous permettent d’écrire quelques lignes brèves, relues par la censure mais essentielles pour rassurer les familles.
Un commandant des Guides, van den Branden de Reeth, organisa très vite un « journal parlé » quotidien à partir des journaux allemands et des nouvelles reçues de Belgique dans les lettres ; cela entretenait le moral mais prévenait les évasions puisque tout indiquait que les prisonniers belges allaient être renvoyés chez eux après la récolte des patates : c’était la rumeur en circulation en Allemagne comme en Belgique, au point qu’en 1980, des amis allemands s’étonnèrent beaucoup, au cours d’une soirée chez eux à Werl, de découvrir que j’étais resté cinq ans en captivité. Victor Houillet, Maurice Denis et moi discutions bien d’une évasion possible. Le camp était mal gardé et nous avions trouvé un endroit situé à mi-distance des deux corps de garde qui échappait à la vigilance des sentinelles. Mais les nouvelles propagées dans le camp, l’assurance réitérée des allemands que nous allions être libérés, l’impréparation par manque d’une organisation sérieuse, comme celle qui fut mise en place plus tard, nous firent différer l’exécution du projet.
Les baraques étaient sinistres, avec leurs 150 lits superposés par trois, quelques tables et de rares tabourets, de faibles ampoules qui éclairaient à peine, l’obscurité qui tombait de plus en plus tôt. Pour se distraire, on tournait en rond dans l’espace qui nous était réservé en bavardant de choses et d’autres, on s’initiait au marché noir avec les polonais, déjà maîtres en la matière ; l’abbé Gillet, aumônier de réserve et maître de chant dans un collège de Dinant, organisa une chorale dont je fus exclu dès la première séance pour manque total d’oreille ; un commandant d’administration, qui me faisait l’effet d’un ancêtre, emmitouflé dans son manteau et son écharpe et fumant sa pipe, me proposa un soir une partie d’échecs : il me battit trois fois en moins d’une heure et déclara que je n’étais pas de force à jouer avec lui ! J’étais tellement vexé que je demandais à l’oncle Louis, qui était mon correspondant habituel en Belgique en dehors de ma sœur, de m’envoyer le traité de Tartakover que je reçus plus tard et qui me permit de prendre ma revanche.
Cependant la guerre continuait contre l’Angleterre ; les allemands se vantaient de leurs victoires aériennes, les rumeurs belges arrivée chez nous je ne sais comment parlait de tentatives de débarquement repoussé par les anglais et de milliers de brûlés allemands dans les hôpitaux de Bruges.
Après juste un mois de ce régime, avec un préavis très réduit, on nous mit en train, non pas pour Bruxelles mais pour un autre camp que les allemands avaient eu le temps d’organiser pendant qu’ils nous endormaient avec de belles paroles : ce sera cette fois un camp pour officiers, l’Oflag (Officieren Lager) VIII C à Juliusbourg, Silésie.
Remarque : je ne trouve nulle part sur le net la moindre allusion à ce lieu ni à ce camp...

1 commentaire:

  1. je cherche info sur stalag II B14 sur le prisonnier Mandin Robert matricule32810

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